Les expositions printanières du musée La Piscine, à Roubaix, résistent à un certain coronavirus. Singulièrement celle de l'artiste taïwanaise Sophie Hong.
« La soie est une seconde peau. » S'agissant de culture chinoise, ce propos général de Sophie Hong saisit par son évidence, mais il ne faudrait surtout pas occulter tout ce que la pratique de cette artiste taïwanaise demande de travail et de recherche pour atteindre au résultat qui est exposé actuellement au musée La Piscine, à Roubaix (Nord). Par sa longueur tranquille, sa teneur en poésie, le titre de l'exposition, Des feuilles du mûrier le temps fait des robes de soie, restitue la philosophie que Sophie Hong met en œuvre au long du riche processus de création de ses vêtements.
Cette présentation multiforme – vêtements, sculptures, installations, bijoux, céramiques –, victime des conséquences de la Covid-19 sitôt son lancement à la mi-mars, a fini par sortir du silence et de la solitude du confinement, et du coup reste visible au public plus longtemps, jusqu'au dimanche 20 septembre, comme les autres expositions printanières du musée roubaisien. De même, les pièces vestimentaires de la styliste sont faites pour durer longtemps. Chacune est teinte « par des choses très naturelles qui n'abîmeront ni les personnes qui les fabriquent ni celles qui les portent », souligne Sylvette Botella-Gaudichon, commissaire de l'exposition, qui insiste sur le profond « respect de la matière » chez Sophie Hong, laquelle est à la fois peintre, céramiste, styliste et éditrice. Tout part de cette matière multiple : terre, écorces, jus des plantes, puis notre créatrice en extrait « tout ce qui va permettre la teinture ».
Chaque vêtement est unique
Le cheminement est très long, nécessite beaucoup de bains, puis les tissus sont déroulés et tendus au sol. La soie s'oxyde au contact de la terre, sèche au soleil pendant plusieurs mois. Elle prend un aspect laqué, dans des tons terreux : indigo, noirs ou bruns profonds sur une face, rouges sombres sur l’autre. « Le procédé donne au tissu une texture inimitable, sans rien ôter à sa légèreté », explique Mme Botella-Gaudichon.
L'artiste joue avec les éléments : coupes, épaisseurs, bordures, plis, ourlets, broderies, boutons. Autant d'interactions qui donnent au tissu son volume. D'aspect velouté, patiné ou rêche, chaque pièce de soie est unique. Le détail de l'aboutissement dépend des trames du tissage, de l'intensité de la teinture, du hasard des contacts avec la terre. En puisant chez ses ancêtres chinois, en réinterprétant leur méthodologie de tissage et de teinture, Sophie Hong arrive à une modernité et une simplicité soignée qui séduit et habille beaucoup d'artistes des deux sexes. Au bout de ce travail artistique et écologique, apparaît bel et bien sa fameuse « seconde peau »… —– Des feuilles du mûrier le temps fait des robes de soie, exposition de Sophie Hong, jusqu'au 20 septembre 2020 à La Piscine, musée d'art et d'industrie André Diligent, 23, rue de l'Espérance, à Roubaix. Commissariat : Sylvette Botella-Gaudichon. Catalogue de l'exposition en vente sur place. > Le musée La Piscine