Renouvellement de la tradition, innovation dans la modernité : Etreindre le monde Exposition de Sophie Hong Des feuilles de mûrier, le temps tisse des robes de soie La Piscine, Musée d'Art et d'Industrie André Diligent, Roubaix, France du 14 mars au 31 mai 2020
La graine de la créativité
Sophie Hong est née sous le signe du singe le 07 juillet 1956 à Hsin-Chu, Taiwan (R.O.C.), jour de la fête chinoise des Amoureux (Niulang le bouvier et la tisserande Zhinu). Se reflètent dans ses traits de caractère, un brin de romantisme, une sensibilité délicate, un courage déterminé et une adaptabilité à toute épreuve.
Enfant, ses parents lui faisaient faire des vêtements sur mesure. La « graine d'amour » du vêtement ajusté et des étoffes qui glissent sur la peau était semée… En primaire puis au collège, elle suit des cours de grands peintres comme Hsieh Zho-Fan, Xiao Ru-Song et Liau Der-Zheng où elle manifeste ses talents, aussi bien en dessin qu'en peinture, en remportant plusieurs prix.
A l'université Shih Chien de Taipei, elle profite de l'enseignement de maîtres tels que Chiu Huan-Tang (céramiste), Chang Huan-Ping (étude de la vannerie). Elle affine ses talents artistiques en explorant le monde captivant de la mode, de la conception à la réalisation, en suivant les cours de Hon Shu-Shin et Shi Shu-Yun. Diplômée, la voilà prête à laisser s'exprimer sa créativité au service de la mode.
Le renouvellement de la tradition
Dans les années quatre-vingt, Sophie Hong complète son parcours en passant par des écoles de mode renommées de Tokyo et de New York. C'est finalement à Hong Kong, à la recherche de l'étoffe précieuse qui mettra en valeur l'originalité de ses créations, qu'elle trouve sa matière de prédilection : la soie laquée. Elle remet au goût du jour ce procédé de teinture authentique, en lui apportant une touche de modernité originale au rendu esthétique saisissant.
Les panneaux de soie macèrent dans des bains de décoction de pigments Shu-Liang (薯莨, le faux gambier ou Dioscorea cirrhosa), avant d'être étendus sur une terre glaise ferrugineuse pendant plusieurs semaines de séchage au soleil. La texture obtenue de cette teinture végétale est remarquable, fine, offrant une palette de couleurs subtiles allant du bleu foncé au marron profond, en passant par le noir, le rouge… sur chacune des faces du tissu.
Le style unique des créations de Sophie Hong est né. De ce processus traditionnel mettant en avant le savoir-faire et les éléments naturels, naissent des vêtements aux coupes épurées et aux textures élégantes, apportant un effet aérien rehaussé par la subtilité des teintes déclinées à l'infini selon l'alchimie créée à chaque fabrication. La technique de la soie laquée, artisanat ancestral, a été classée par la Chine comme patrimoine culturel immatériel national. Les créations de Sophie Hong émerveillent par l'esprit avant-gardiste qu'elles révèlent de manière intemporelle.
L’innovation dans la modernité
Au milieu des années quatre-vingt-dix, boursière du Ministère des Affaires Étrangères français et du Ministère de l'Économie taiwanais, Sophie Hong réalise un stage à l'École de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, tout en étant introduite chez Christian Dior et Chanel, en faisant un détour par l'horlogerie.
Déstructurer les lignes, allier influences occidentale et asiatique, témoigner des cultures trans-frontalières… les créations de Sophie Hong, dont certaines sont conservées au Palais Galliera - Musée de la Mode de Paris, témoignent de cette manière novatrice de réinventer le vêtement.
Le rayonnement culturel
En 2010, Sophie Hong ouvre à Paris un écrin pour ses créations en s’installant dans une boutique de la galerie du Palais Royal. La même année, elle succède à son amie Françoise Zylberberg à la direction de la célèbre et unique librairie francophone de Taipei, Le Pigeonnier (voir le documentaire de TV5 Monde présentant cette bibliophile passionnée de littérature française).
En promouvant le rayonnement culturel français dans son pays et les échanges interactifs entre la France et Taiwan grâce à sa boutique parisienne, ses défilés et ses expositions, Sophie Hong oeuvre pour le dynamisme des relations franco-taiwanaises avec une élégance rare et une grâce innée jusque dans la langue de Molière qu'elle maîtrise.
Un défilé, dont la mise en scène a été réalisée par la cinéaste Juliette Deschamps au Palais Royal en 2012, met en valeur ses vêtements conçus pour se fondre avec finesse dans la vie du quotidien et créer une intemporalité de la mode. Cette même année, l'investissement de Sophie Hong dans le monde de la mode, des arts et des lettres est salué par le gouvernement français qui la fait Chevalier de l'ordre national du Mérite.
Deux ans plus tard, en 2014, le raffinement de sa collection préservant le savoir-faire artisanal asiatique tout en réinventant les coupes occidentales lui fait remporter le Golden Pin Design Award de Taiwan.
Le melting pot artistique
Quelques soient les matières que Sophie Hong aborde pour exprimer sa créativité (peinture, sculpture, bambou, céramique, métal), la diversité de ses approches lui a ouvert un chemin riche de rencontres et de collaborations, tant en France qu'à Taiwan et ce, dans tous les domaines : - Le cinéma (les actrices Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Catherine Frot, Gong Li et Zhang Ziyi, le réalisateur René Vienet), - Le théâtre (Juliette Deschamps, Robin Ruizendaal, la comédienne Liu Ruo-Yu, l'acteur d'opéra chinois Wu Hsing-Kuo), - La musique (Alain Meunier, Anne Rodier, Lee Fang-Yi, Guillaume Plays), - La danse (Lin Hsiu-Wei, Lo Man-Fai, Zhang Xiao-Xiung, Wu Chien-Wei), - L’architecture (Adèle Naude Santos, Nelson Wilmotte)... sans oublier Fabien Lerat (sculpteur), Golo (illustateur-bédéiste), Danièle Mazet-Delpeuch (cuisinière de François Mitterrand), Chen Hong (chef cuisinier), les écrivains taiwanais (Pai Hsien-Yung, Lin Ching-Hsuan, Du Shi-Shan, Lo Ching, Lo Men), le compositeur Li Tai-Hsiang, ou encore les photographes Ko Si-Chi, Daniel Lee et Hsieh Chuan-Der.
Sophie Hong participe également activement à des productions et des spectacles taiwanais qui ont choisi de faire appel à elle pour la création de leurs costumes (Tambours du Théâtre U, Taiyuan Asian Puppet Theatre Museum, Théâtre Lanling de Taipei, La troupe Dance Crossover de Taipei, l'ensemble de musique traditionnelle XinXin Nanguan, l'Orchestre National Symphonique de Taiwan), ou la mise en valeur de leur production (produits de beauté de la marque iCi en orbite Le Vescir Ltd)... Enfin, le personnel du Musée National du palais se pare aussi de ses tenues.
La visionnaire créatrice
Sophie Hong fait de l'essence même de la conception de ses vêtements, sa devise : « Faire en sorte que les vêtements correspondent à la juste personne, que la tenue ajustée soit portée au bon moment ». En exprimant ainsi l'importance capitale qu'elle porte à la parfaite adéquation entre le vêtement, la personne, le temps et le lieu, elle traduit ce qui fait pour elle le sens de la mode, inhérent à la vie personnelle de celui qui la choisit.
Vêtements à l'élégance intemporelle, les créations de Sophie Hong, figure emblématique de la mode taiwanaise, se reconnaissent par l'originalité de leur coupe, l'audace de leur réalisation, la délicatesse de leur finition. C'est cette alchimie unique qui fait que les portes du monde de l'Art s'ouvrent devant cette grande dame à la conception visionnaire, aimant jouer avec cette authenticité qui la caractérise.