Des vêtements pour l'âmeDU Shisan Poète et artiste taiwanais.
Le grand couturier John Galliano a donné une définition séduisante de la mode : « il y a deux genres de vêtements, celui qui habille le corps, et celui qui sied à l'âme. » Or, nul doute que les créations de Sophie Hong sont de celles faites pour vêtir et le corps et l'âme.
Tout d'abord laissons de côté la coupe des vêtements, la grande singularité du talent de Sophie Hong, dans un monde de la mode qui aujourd'hui ne s'intéresse qu'à la ligne, aux couleurs et aux accessoires, se trouve dans la façon dont elle obtient et modèle son matériau. Elle puise son inspiration dans la méthode de fabrication de la « soie laquée », savoir-faire traditionnel chinois : une étoffe de soie blanche écrue est étalée sur l'herbe, la teinture extraite du gambier broyé est appliquée de façon égale sur toute la surface, puis elle est mise à sécher sous le grand soleil, cela se passe entre Avril et Septembre, ensuite elle est portée sur les berges où, avec la vieille terre ramassée au milieu du fleuve, on la « passe à la terre »... ce n'est qu'après ce processus complexe et méticuleux, que Sophie Hong considère qu'elle est en possession du matériau à partir duquel elle va créer le vêtement, elle s'attèle alors à l'étape suivante, plus minutieuse encore, de la « retouche ».
Chaque étoffe achevée qu'elle commence ainsi à travailler, offre toutes sortes de teintes et de motifs sans apprêt, comme au repos, rentrés, retirés en eux-mêmes après avoir été pétris, et chaque pouce du matériau, on le sent, est plein du touché naturel des fils de soie, d'eau de source et de rayons de soleil, d'herbe verte et de terre, du sentiment d'harmonie entre l'ombre et la lumière du monde, du passage de la chaleur à la froidure, comment alors ne pas éprouver la familiarité et le réconfort de « porter sur soi les souffles de l'univers, de revêtir les quatre saisons qui alternent » ? Imaginez un peu l'air, le style extraordinaire que donne à qui la porte, cette étoffe naturelle passée par « l'écume de la cicadelle, les feux d'herbes, le fer du soleil, la teinture de la rivière », puis passée par les mains de cette grande styliste qui la « retouche ».
En effet, ces étoffes une fois taillées aux dimensions des corps et ainsi passées dans le monde de la mode, femmes ou hommes, jeunes ou vieux, mais surtout les artistes à l'intériorité trempée, tous retrouveront les incroyables contours et lignes de leur âme, ils verront émerger en ce bas monde des reflets, des allures, des tournures exceptionnelles, comme si le soleil, les cours d'eau, les prairies sur eux trouvaient une autre terre où se déployer, briller ; telle est la rencontre, merveilleuse et étonnante, entre la mode et l'âme humaine.
L'histoire de l'art nous enseigne que les artistes modernes qui ont compté ne sont parvenus à maturité qu’après avoir découvert le matériau élémentaire à partir duquel créer : pour l'écrivain, c'est sa propre langue et ses propres mots ; pour le musicien, des notes qui racontent une histoire ; pour le plasticien, les éléments en propre qu'il modèle... Il en est de même pour le styliste qui doit lui aussi concevoir et mettre en pratique son esthétique. Et seulement alors que vient la réussite, comme ce fut le cas pour Issey Miyake, Gianni Versace, Calvin Klein et, à n'en pas douter, Sophie Hong. Nous aimons cet élément premier de création chez elle parce qu'il est l'assemblage tournoyant de ces « gènes de la nature » que sont l'herbe, l'eau et le soleil.
Si depuis vingt ans elle lutte dans le champ de la mode, Sophie Hong, esprit vaste et profond, amoureuse de la nature et des hommes et mue par une intarissable soif de création, est aussi peintre et artiste plasticienne touchant à divers matériaux. Sa réussite ne s'arrête pas à une renommée mondiale, nous attendons qu'elle nous comble de ses créations, toujours plus neuves, toujours plus exquises...