Autour de Sophie HongPierre-Yves BAUBRY Fondateur de Lettre de Taïwan
Bien sûr, il y a la technique. Pour travailler la soie, Sophie Hong a fait siennes d'ancestrales méthodes de tissage et de teinture du sud de la Chine, permettant ainsi leur renaissance.
Teints de façon naturelle, les rouleaux de soie sont étendus sur la terre et séchés au soleil. Comme l'écrit Douglas Bullis, « la teinture de la soie chinoise est très proche des voies de la nature. Si, après avoir rincé la teinture, vous essayez de sécher la soie, le soleil ne doit pas être trop brillant, toutefois il doit l'être suffisamment. »*
La soie y prend un aspect laqué, dans des tons terreux : noirs ou bruns très profonds sur une face, rouges sombres sur l'autre. Le procédé donne au tissu une texture inimitable, sans rien ôter à sa légèreté. « Il y a de bonnes et de mauvaises saisons pour teindre la soie, tout comme il y a de bonnes et de mauvaises années pour le vin »*, remarque Douglas Bullis.
Dans cette danse avec les éléments, Sophie Hong recherche avant tout la nuance. Chaque pièce de soie tire son caractère unique des trames du tissage, de l'intensité de la teinture ou du hasard des contacts avec la terre. D'imperceptibles variations font penser à des peintures à l'encre.
Au fil des ans, Sophie Hong a ajouté à sa palette de nouvelles tonalités de rouges, d'indigos, de bleus et de verts — toutes les couleurs de l'arc-en ciel —, même si elle chérit les teintes brunes et noires, plus écologiques.
Les vêtements créés par la styliste, pour les hommes autant que pour les femmes, frappent par leur simplicité autant que par leur qualité visuelle résolument contemporaine. Chemisiers, vestes, blouses, bustiers, robes et pantalons témoignent d'une recherche de la juste mesure : il s'agit d'en faire ni trop, ni trop peu. Sophie Hong joue avec la versatilité de la soie laquée qui a ici l'aspect du velours, là d'un cuir patiné, là encore d'un tissu subtilement rêche.
Sans jamais renoncer à la fonctionnalité, elle joue avec les coupes, les épaisseurs, les bordures et ourlets, les broderies, les boutons et les plis quidonnent pour de bon au tissu son volume. Sophie Hong joue et invite ses clients à en faire autant, sur un mode combinatoire puisque chaque pièce peut être portée aussi bien à l'endroit qu'à l'envers.
Pour Sophie Hong, un vêtement est une œuvre d'art à laquelle chacun répond avec ses émotions. Chapeaux, foulards, cravates, écharpes, mais aussi bijoux, sculptures en métal ou en tissu : tout est matière à création. Sans relâche, elle expérimente et innove dans sa recherche de teintes naturelles et son traitement de la soie, dessinant des voies possibles pour des créations futures.
Dans son atelier de Taipei, Sophie Hong s'entoure aussi bien d'outils d'artisans — un carreau à dentelle, une forme à chapeau — que d'objets et œuvres d'art offerts par des amis.
Ce parti pris amical et esthétique se traduit par les nombreuses collaborations menées avec des artistes taïwanais comme ceux du Contemporary Legend Theatre, du Tussock Dance Theater et du U-Theatre, et par les liens de fidélité entretenus avec l'actrice Isabelle Huppert, la cuisinière Danièle Mazet-Delpeuch, la chanteuse lyrique Anne Rodier, le marionnettiste Robin Ruizendaal, le cinéaste René Viénet, l'artiste Jacques Picoux, l'architecte Adèle Naudé Santos, l'écrivain Lin Ching-hsuan, les musiciens Alain Meunier, Lee Fang-yi, Guillaume Plays, et Franck Bernède, ou encore l'illustrateur Golo.
Il se manifeste aussi par la poursuite de la librairie française Le Pigeonnier, fondée à Taipei par Françoise Zylberberg, laquelle aura plus que nulle autre porté au fil des ans toute la palette des créations de sa compagne.
Il s'incarne enfin dans l'espace parisien du Palais-Royal qui témoigne du lien indéfectible unissant Sophie Hong à la France autant qu'il offre à qui s'y aventure une porte d'entrée vers la culture taïwanaise.
Décorée par la France dans l'Ordre national du Mérite, Sophie Hong a vu ses créations exposées au Palais Galliera, - musée de la Mode de la ville de Paris, au musée La Piscine de Roubaix, au musée et théâtre Taiyuan de la marionnette asiatique, à Taipei, et au musée des arts de la fibre, à Taichung.
*"Chinese silk-dyeing is very close to the ways of nature. If you try to dry silk after rinsing out the dye, the sun must not be too bright, yet it must be bright enough." Douglas BULLIS (2000) fashion Asia. Thames & Hudson. p.142. *"There are good seasons and bad seasons for silk-dyeing, just as there are good years and bad years for wine." Douglas BULLIS (2000) fashion Asia. Thames & Hudson. p.145.