J'ai rencontré la créatrice taiwanaise Sophie HONG il y a plus de trente ans.Christine BLANC Communication
Après avoir participé à de nombreux salons professionnels et expositions, le 17 mai 2010, elle s'est « installée » dans les jardins du Palais-Royal de Paris pour « s'extraire du luxe industriel et du commerce de masse » .
Elle est alors à la recherche d'une forme de confidentialité pour se rendre plus désirable, elle souhaite trouver un lieu où elle peut concevoir un « magasin d'art ».
Sophie HONG, « artisan-artiste » crée elle-même les teintures sur soie ou lin, réalisées à partir de décoction de racines végétales et fixées par de la glaise, pour des créations intemporelles destinées autant aux hommes qu'aux femmes, à la frontière entre la mode et l'art.
Sophie travaille ses étoffes comme un peintre sa toile. Sa disponibilité, sa curiosité et sa générosité ont transformé notre rapport professionnel en profonde amitié.
Un nuage évoque une robe, une fleur un visageLin Ching-Hsuan Écrivain taiwanais
Quasiment tous les artistes orientaux se trouvent un jour à devoir considérer la pensée orientale et la pensée occidentale, comment lier les deux ensembles, combiner sans accroc les deux formes, tel est le chemin qu'il leur faut suivre aussi. Et c'est précisément de cette rencontre orient-occident dont sont surgies les créations de mode de Sophie Hong, elle qui a suivi en France les cours de couture de l'avant-garde, tout en gardant au fond d'elle l'esprit et les aspirations de l'art chinois.
Avec pour éléments de base la soie d'Orient la plus pure et ses couleurs paisibles : bleu-vert, jaune, rouge, blanc et noir, qu'elle fait apparaître dans l'esprit de la sculpture occidentale, voici la parfaite union de l'orient et de l'occident.
De même, le choix entre le classique et le moderne se pose inévitablement pour les artistes contemporains : s'ils ne privilégient que le moderne, leur art perd la perception du temps et la dimension culturelle ; et s'ils ne privilégient que le classique, la créativité et la force imaginative se perd. Sophie Hong a recherché, dans le Sud de la Chine, la « soie laquée », une soie pure utilisée depuis la dynastie des Ming jusqu'à aujourd'hui, et qui était sur le point d'être perdue à jamais. Elle a mené, auprès des maîtres spécialistes de la soie, de longues recherches dans les fabriques, débutant par le tissage, puis l'impression et la teinture, la pose des couleurs, redonnant vie à ce matériau.
Sa formation en art moderne lui a permis de ne pas coller à la tradition, de ne pas être enfermée dans les limites du classique, mais d'évoluer librement, sans chaîne. Je ne peux contenir mon admiration devant la vision que m'offrent le tressage de ces fils de soie pareils à du cuir, à ce tissu travaillé à la manière d'une sculpture de bronze, où il n'y a pas seulement un aller-retour entre le classique et le moderne, mais aussi un voyage entre le doux et le dur.
Bon nombre d'artistes d'avant-garde connaissent la confusion entre l'utile et l'idéal, en particulier dans la haute-couture, car si elle penche trop du côté de l'idéal, elle touche peu de gens, mais si elle est trop utilitaire, elle tombe dans le trivial. « Utile », un vêtement doit l'être ; sur cette base, comment atteindre la frontière d'un art pur, qui sera celle du designer, zone limite où il apparaît en tant qu'artiste et en tant que couturier ?
Depuis plus de vingt ans que je connais Sophie Hong, elle a toujours été une designer exceptionnelle, outre la mode, elle a aussi élargi ses centres d'intérêt à la peinture, la sculpture, l'architecture, l'art du jardin, développant une conception qui lui est propre. Jadis couturière à succès sur le marché de la Mode, alors que ses affaires étaient au beau fixe, elle reçoit une bourse pour une « expertise sur les échanges techniques entre la France et la Chine ». Elle suspend alors toutes ses activités pour partir en France reprendre ses recherches, elle travaille chez Chanel et chez Dior, ce qui lui permet d'ouvrir considérablement son horizon, de créer plus librement encore, en mettant en rapport tout ce qu'elle a appris sur l'art durant des années, passant ainsi la frontière de l'idéal. Ses créations de mode sont conservées au musée Galliera de la ville de Paris.
A présent, Sophie Hong est invitée à exposer dans les capitales de la mode : New-York, Milan, Paris, elle a demandé à ses amis ainsi qu'au citadin lambda de porter ses vêtements, et l'on peut voir que, certes, ils leur vont, mais aussi qu'ils leur confèrent une allure nouvelle.
Mais en plus de cela, selon moi, ses vêtements, étoles et accessoires pourraient même être encadrés et accrochés au mur pour être admirés comme des œuvres d'art.
Dans son fourneau, Sophie Hong a allié Orient et Occident, classique et moderne, idéal et pratique pour forger sa propre esthétique, puissante et originale ; nous éprouvons un sentiment de raffinement et de mouvement dans le recours intense qu'elle fait des courbes, un sentiment de minutie et de joie dans le travail d'aiguille du nœud chinois rouge qu'elle a conservé et, devant la moire de ses étoffes, nous sommes comme devant la clarté des dunes, l'immensité d'une plaine de lœss.
Le fil de soie de première qualité qu'elle emploie dans la plupart de ses tissus nous fait ressentir la mollesse du nuage, la beauté exubérante des fleurs, en voyant les vêtements de Hong Lifen, comme l'a écrit un poète antique, même les nuages voudraient se vêtir, et les fleurs se faire plus belles !
Si l'on sait que cette moire des étoffes est le résultat d'une terre et d'une teinture naturelle séchées au soleil pendant une semaine, que les nœuds rouges tressés à la main s'inspirent d'une recherche de plusieurs années sur le vêtement chinois, que les courbes ont été créées suite à d'incessantes tentatives de retouche... les créations de Sophie Hong non seulement forcent l'admiration, mais elles nous émeuvent profondément.
L'exposition « Des feuilles du mûrier, le temps fait des robes de soie » se tient du 14 mars au 31 mai 2020 à La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix. Aimable crédit de Sophie Hong
La styliste taiwanaise Sophie Hong expose à Roubaix
TAIWAN INFO
2020.03.12
Connue notamment pour préserver et développer d'ancestrales méthodes de tissage et de teinture de la soie, la styliste taiwanaise Sophie Hong [洪麗芬] a été invitée par La Piscine – Musée d'art et d'industrie André Diligent de Roubaix, en France, à exposer ses œuvres sous le titre « Des feuilles du mûrier, le temps fait des robes de soie ». L'exposition ouvre le 14 mars et se prolonge jusqu'au 31 mai 2020.
Créatrice singulière – peintre, céramiste, designer, éditrice – Sophie Hong se partage entre Taiwan et Paris. Son travail sur la soie est remarquable, relève La Piscine. Respectueuse de la nature, Sophie Hong a fait siennes d'ancestrales méthodes de tissage et de teinture de la soie du sud de la Chine, permettant ainsi leur renaissance et affirmant son attachement à l'écologie.
Teints de façon naturelle, les rouleaux de soie sont étendus sur la terre, pour qu'ils s'oxydent puis séchés au soleil, patiemment, pendant plusieurs mois. La soie y prend un aspect laqué, dans des tons terreux : indigo, noirs ou bruns très profonds sur une face, rouges sombres sur l'autre. Le procédé donne au tissu une texture inimitable, sans rien ôter à sa légèreté.
« Dans cette danse avec les éléments, Sophie Hong recherche avant tout la nuance, explique Sylvette Botella-Gaudichon, la commissaire de l'exposition. Chaque pièce de soie tire son caractère unique des trames du tissage, de l'intensité de la teinture ou du hasard des contacts avec la terre. La créatrice joue avec la versatilité de la soie laquée qui a ici l'aspect du velours, là d'un cuir patiné, là encore d'un tissu subtilement rêche. »
Pour Sophie Hong, un vêtement est une œuvre d'art à laquelle chacun répond avec ses émotions. Les vêtements, pour les hommes autant que pour les femmes, frappent par leur simplicité autant que par leur qualité visuelle résolument contemporaine.
Sans jamais renoncer à la fonctionnalité, elle joue avec les coupes, l'endroit, l'envers, les épaisseurs, les bordures et ourlets, les broderies, les boutons et les plis qui donnent au tissu son volume. Artiste avant tout, elle habille souvent les artistes et travaille auprès d'eux dans leurs créations : musiciens, acteurs, danseurs…
Le lien indéfectible unissant Sophie Hong à la France et à sa culture se manifeste dans la librairie française Le Pigeonnier, qu'elle dirige à Taipei depuis la mort de sa créatrice Françoise Zylberberg et il s'incarne dans l'espace parisien de la créatrice au Palais-Royal.
Décorée par la France dans l'ordre national du Mérite, Sophie Hong a vu ses créations exposées au Palais Galliera, après les musées et galeries asiatiques.
Là où se pose la main, s'ouvre l'horizon ; là où le regard se porte, là est l'esprit.CHEN Yu-hui Cinéaste et écrivaine taiwanaise
Voilà longtemps que j'ai fait la connaissance de Sophie, mais la différence n'est pas très grande entre celle qu'elle était et celle qu'elle est aujourd'hui, elle continue à porter les vêtements qu'elle dessine elle-même, perchée sur ses socques de rônin, elle va, avec une grâce qui fait voguer la mode.
Durant toutes ces années, Sophie a toujours tenu à ses principes, pour le vêtement comme pour l'art : simple, organique et vivant.
Elle n'a jamais été quelqu'un de beaucoup de paroles. Ses principes, elle les met en œuvre. De la qualité des matériaux à la teinture indigo, en tout on voit son attention au détail, elle a cherché de partout la soie laquée, elle est la première grande styliste qui a su comment procéder à une teinture organique.
Non contente d'avoir créé sa propre enseigne à Taiwan, travail de longue haleine, elle a dans la foulée ouvert une boutique à Paris, capitale de la Mode. Les résultats sont là, avec des liens parmi des personnalités françaises notoires : Isabelle Huppert porte ses vêtements lors des festivals, Jack Lang, ancien ministre de la culture, en a fait l'éloge, elle a reçu la décoration de Chevalier de l'ordre des arts et des lettres ; elle en est digne.
Dans le monde de la mode et de l'art taiwanais, elle s'exprime peu, vraiment peu. Parce que c'est avec ses mains qu'elle pense, tout ce qu'elle conçoit, elle l'exprime avec ses mains, c'est une femme qui pense avec ses mains, et le temps parle pour elle, ses créations témoignent de cette splendide vie.
Respectueuse de la nature, Sophie Hong a fait siennes d'ancestrales méthodes de tissage et de teinture de la soie du sud de la Chine, permettant ainsi leur renaissance et affirmant son attachement à l'écologie.
Teints de façon naturelle, les rouleaux de soie sont étendus sur la terre, pour qu'ils s'oxydent, puis séchés au soleil, patiemment, pendant plusieurs mois.
La soie y prend un aspect laqué, dans des tons terreux : indigo, noirs ou bruns très profonds sur une face, rouges sombres sur l'autre. Le procédé donne au tissu une texture inimitable, sans rien ôter à sa légèreté.
A la fois peintre, céramiste, éditrice et designer, Sophie Hong est une artiste.
Pour elle, un vêtement est une œuvre d'art à laquelle chacun répond avec ses émotions.
Les vêtements qu'elle créent pour les hommes autant que pour les femmes, frappent par leur simplicité autant que par leur qualité visuelle résolument contemporaine. Sans jamais renoncer à la fonctionnalité, elle joue avec les coupes, l'endroit, l'envers, les épaisseurs, les bordures et ourlets, les broderies, les boutons et les plis qui donnent au tissu son volume.
Décorée par la France dans l'ordre national du Mérite, Sophie Hong a vu ses créations exposées au Palais Galliera, après les musées et galeries asiatiques.
ImprévisibleMonique Lévi-Strauss Chercheuse en histoire des textiles
Pourquoi les vêtements de Sophie Hong me plaisent tant ? Parce qu'ils me vont si bien. Ils tombent avec grâce. Sophie travaille de beaux tissus de soie, teints avec des colorants naturels. Avant de les tailler, elle les expose à l'air et au soleil, afin qu'ils renvoient la lumière et s'animent de reflets harmonieux. D'une grande douceur, ses doublures en satin caressent la peau et lui tiennent chaud. L'oeil est toujours attiré par les ganses qui finissent les bordures des devants, des cols et des manches : à la fois diverses et discrètes, ces notes de couleur rendent le vêtement vivant, imprévisible. En résumé, les vêtements de Sophie sont à la fois légers, frais ou chauds, selon la saison, sobres et vivants, vraiment élégants.
Exclusivité - Visite guidée de l'exposition Sophie Hong à la Piscine de Roubaix
ARTS IN THE CITY
2020.03.10
DES FEUILLES DU MURIER LE TEMPS FAIT DES ROBES DE SOIE
Rêches, doux comme du velours ou d'aspect patiné, les rouleaux de soie de Sophie Hong ne passent pas inaperçus. Leur couleur terreuse, du brun profond au rouge sombre, leur confère un aspect inimitable. Mais comment parvient-elle à cet étonnant résultat ? La styliste, qui vit entre Paris et Taïwan, recourt à des méthodes ancestrales de tissage et de teinture du sud de la Chine : elle peint des rouleaux de façon naturelle puis les étend sur le sol et les sèche au soleil pendant des mois, affirmant son attachement à l'écologie. Aucune de ses pièces ne ressemble à une autre, certaines ayant une teinture plus intense et d'autres étant plus marquées par leur contact avec la terre. Au-delà des soieries, Sophie Hong, à la fois peintre, céramiste, éditrice et designer, se plaît à créer des vêtements, une œuvre d'art à laquelle chacun répond avec ses émotions, selon elle. Sans oublier leur fonction d'habit, la créatrice joue avec les coupes, les ourlets, les broderies qui donnent du volume au tissu. Elle habille souvent les artistes et travaille auprès de musiciens, d'acteurs et de danseurs, leur attribuant des vêtements d'une grande simplicité mais à la qualité visuelle résolument contemporaine. Décorée par la France dans l'ordre national du Mérite, Sophie Hong a vu ses créations expo- sées au Palais Galliera, après les musées et galeries asiatiques.
Mouvements en chair et en orLo Ching Poète et Peintre taïwanais
Je n'arrive pas à me rappeler le moment où j'ai connu Hong Li-fen, la grande styliste, j'ai dû la rencontrer par hasard il y a une dizaine d'années à quelque exposition de peinture ou un concert, nous sommes devenus amis sans vraiment l'être. J'ai véritablement commencé à la connaître ces dernières années. Il y a trois ans, lors d'une exposition de peinture, elle avait ouï-dire que j'allais donner des cours théoriques et pratiques de calligraphie, la date n'était pas encore fixée, elle a dit, juste comme ça, quelle aimerait y assister. Au début, j'ai cru qu'elle parlait en plaisantant. Mais à ma surprise, un mois plus tard, elle est vraiment venue.
Elle est comme ça Sophie Hong, elle fait ce qu'elle dit ; elle a cette étrange disposition à vouloir tout essayer et tout apprendre. Pendant les premiers cours, j'ai bien observé son maniement du pinceau, et je lui ai proposé de prendre pour modèle le calligraphe Yan Zhenqing, ce fut concluant dès le premier essai, elle copiait en très grand les caractères de Yan, sans la moindre affectation de femme de salon. Après un peu plus d'une année de pratique, elle n'a pu s'empêcher d'utiliser du papier de Xuan, de format standard, pour audacieusement laisser libre cours à son pinceau, elle arrivait parfaitement à la puissance humble et vaste du trait de Yan, y apportant le souffle d'une femme d'exception.
C'est à partir de son processus d'apprentissage de la calligraphie que j'ai compris celui par lequel elle a, sur les bases du dessin de mode, introduit l'art pur et d'autres activités qui s'y rattachent. Dès la troisième ou quatrième année de primaire, son professeur Hsie Rong-pan a su développer chez elle une sensibilité à la peinture ; au lycée, elle a suivi l'enseignement de la peinture auprès de Hsiao Ru-song ; dans les années 1970, au moment où elle pratique le dessin de mode, elle fait des études du corps humain avec le professeur Liao Te-cheng. Puis elle part au Japon dans les années 1980 pour commencer sa carrière de dessinatrice de mode, en même temps que, sous l'influence de Lu Ming-de et d’autres artistes contemporains, elle développe une compréhension profonde de l'art avant-gardiste.
Elle a saisi le lien qui unie le dessin de mode à l'art pur. D'un côté, elle a voulu introduire dans ses créations les « rapports entre l'humanité et l'homme moderne » qu'elle a intuitivement perçus, afin que la Mode, dominée par la dimension pratique et commerciale, incarne aussi une attention portée à une sorte d'humanisme. D'un autre côté, cette attention elle l'a portée ailleurs, en explorant d'autres formes comme la peinture à l'huile, le collage, dont les résultats se reflètent dans ses créations de mode. Ces effets de miroir, ces chevauchements font que, parmi les couturiers taiwanais actuels, elle est la personnalité la mieux à même d'exprimer son vécu, sa formation, à travers une multitude de formes.
En octobre de cette année, elle s'est enfin décidée à faire une rétrospective générale des explorations qu'elle a menées dans l'art pur depuis des années, exposition sous forme d'un « thème », au sens musical, témoignant de sa compréhension de l'essence de l'art. La clef se situe dans le « mouvement » incessant qui incarne l'humanité et ses émotions : dans ses peintures à l'huile, collages, peintures sur papier mâché, mais surtout ses peintures sur rouleaux de soie, son trait est ferme, ses couleurs riches et intenses, ses œuvres sont comme balayées par le vent, traversées d'éclairs, si puissantes qu'elles semblent traverser des arcs-en-ciel. Dans ces œuvres d'art, interprétations du thème du « mouvement », elle explore non seulement les rapports changeants chez l'homme moderne, mais elle élargit aussi son attention aux changements sociétaux et environnementaux. Deux variations du thème principal rythment l'exposition : 1. Mouvement en chair, 2. Mouvement en or.
« Mouvement en chair » nous montre des esquisses et des travaux achevés, tandis que « mouvement en or » expose des accessoires et ornements qu'elle a dessinés et qui peuvent librement se combiner avec les vêtements. Les deux mouvements se complètent, ils sont d'un même tenant, tous deux révèlent la beauté du mouvement sans entrave, libre. Nous pouvons voir dans ce « thème » et ses « variations » la façon dont une artiste parvient à un subtil équilibre entre ses explorations dans l'art pur et l'élan qu'elle donne à un art appliqué. En même temps, ils découvrent à tous l'qwune des sources importantes de cette création de mode de premier ordre, qui vient de son étude approfondie de l'art pur et de son expérience.
Forte d'une énergie débordante, Sophie Hong a suivi son chemin. Ses multiples audaces ont doté ses créations d'une éternelle vitalité, dans toute son activité artistique, de la peinture aux installations, en passant par le paysagisme, ainsi que ses vêtements et leurs accessoires, la transformation est constante, le cours des choses y change en un instant, là se dirige vers une synthèse, là s'écoule avec lenteur ou avec rapidité.
Autour de Sophie HongPierre-Yves BAUBRY Fondateur de Lettre de Taïwan
Bien sûr, il y a la technique. Pour travailler la soie, Sophie Hong a fait siennes d'ancestrales méthodes de tissage et de teinture du sud de la Chine, permettant ainsi leur renaissance.
Teints de façon naturelle, les rouleaux de soie sont étendus sur la terre et séchés au soleil. Comme l'écrit Douglas Bullis, « la teinture de la soie chinoise est très proche des voies de la nature. Si, après avoir rincé la teinture, vous essayez de sécher la soie, le soleil ne doit pas être trop brillant, toutefois il doit l'être suffisamment. »*
La soie y prend un aspect laqué, dans des tons terreux : noirs ou bruns très profonds sur une face, rouges sombres sur l'autre. Le procédé donne au tissu une texture inimitable, sans rien ôter à sa légèreté. « Il y a de bonnes et de mauvaises saisons pour teindre la soie, tout comme il y a de bonnes et de mauvaises années pour le vin »*, remarque Douglas Bullis.
Dans cette danse avec les éléments, Sophie Hong recherche avant tout la nuance. Chaque pièce de soie tire son caractère unique des trames du tissage, de l'intensité de la teinture ou du hasard des contacts avec la terre. D'imperceptibles variations font penser à des peintures à l'encre.
Au fil des ans, Sophie Hong a ajouté à sa palette de nouvelles tonalités de rouges, d'indigos, de bleus et de verts — toutes les couleurs de l'arc-en ciel —, même si elle chérit les teintes brunes et noires, plus écologiques.
Les vêtements créés par la styliste, pour les hommes autant que pour les femmes, frappent par leur simplicité autant que par leur qualité visuelle résolument contemporaine. Chemisiers, vestes, blouses, bustiers, robes et pantalons témoignent d'une recherche de la juste mesure : il s'agit d'en faire ni trop, ni trop peu. Sophie Hong joue avec la versatilité de la soie laquée qui a ici l'aspect du velours, là d'un cuir patiné, là encore d'un tissu subtilement rêche.
Sans jamais renoncer à la fonctionnalité, elle joue avec les coupes, les épaisseurs, les bordures et ourlets, les broderies, les boutons et les plis quidonnent pour de bon au tissu son volume. Sophie Hong joue et invite ses clients à en faire autant, sur un mode combinatoire puisque chaque pièce peut être portée aussi bien à l'endroit qu'à l'envers.
Pour Sophie Hong, un vêtement est une œuvre d'art à laquelle chacun répond avec ses émotions. Chapeaux, foulards, cravates, écharpes, mais aussi bijoux, sculptures en métal ou en tissu : tout est matière à création. Sans relâche, elle expérimente et innove dans sa recherche de teintes naturelles et son traitement de la soie, dessinant des voies possibles pour des créations futures.
Dans son atelier de Taipei, Sophie Hong s'entoure aussi bien d'outils d'artisans — un carreau à dentelle, une forme à chapeau — que d'objets et œuvres d'art offerts par des amis.
Ce parti pris amical et esthétique se traduit par les nombreuses collaborations menées avec des artistes taïwanais comme ceux du Contemporary Legend Theatre, du Tussock Dance Theater et du U-Theatre, et par les liens de fidélité entretenus avec l'actrice Isabelle Huppert, la cuisinière Danièle Mazet-Delpeuch, la chanteuse lyrique Anne Rodier, le marionnettiste Robin Ruizendaal, le cinéaste René Viénet, l'artiste Jacques Picoux, l'architecte Adèle Naudé Santos, l'écrivain Lin Ching-hsuan, les musiciens Alain Meunier, Lee Fang-yi, Guillaume Plays, et Franck Bernède, ou encore l'illustrateur Golo.
Il se manifeste aussi par la poursuite de la librairie française Le Pigeonnier, fondée à Taipei par Françoise Zylberberg, laquelle aura plus que nulle autre porté au fil des ans toute la palette des créations de sa compagne.
Il s'incarne enfin dans l'espace parisien du Palais-Royal qui témoigne du lien indéfectible unissant Sophie Hong à la France autant qu'il offre à qui s'y aventure une porte d'entrée vers la culture taïwanaise.
Décorée par la France dans l'Ordre national du Mérite, Sophie Hong a vu ses créations exposées au Palais Galliera, - musée de la Mode de la ville de Paris, au musée La Piscine de Roubaix, au musée et théâtre Taiyuan de la marionnette asiatique, à Taipei, et au musée des arts de la fibre, à Taichung.
*"Chinese silk-dyeing is very close to the ways of nature. If you try to dry silk after rinsing out the dye, the sun must not be too bright, yet it must be bright enough." Douglas BULLIS (2000) fashion Asia. Thames & Hudson. p.142. *"There are good seasons and bad seasons for silk-dyeing, just as there are good years and bad years for wine." Douglas BULLIS (2000) fashion Asia. Thames & Hudson. p.145.
S'il faut attendre les années 60-70 pour voir les piscines sortir de terre en France, avec le projet national « 1000 piscines », les premiers bains publics - et l'engouement des Français pour les activités aquatiques remontent au XIXe siècle. Dans les années folles (20-30) qui ont suivi, une vingtaine de piscines publiques ont été construites dans le pays. Un siècle plus tard, que sont devenus ces établissements ? À l'abandon ? Détruits ? Oubliés ? Et si certains avaient trouvé une seconde vie ? Voici l'histoire inattendue de piscines devenues de véritables institutions culturelles.
游泳池,魯貝藝術與工業博物馆 La Piscine, musée d'art et d'industrie Andrée-Diligent de Roubaix
À l'initiative du maire Jean-Baptiste Lebas, la piscine municipale de Roubaix a été construite entre 1927 et 1932 par l'architecte lillois Albert Baert. Elle est à l'époque conçue comme un sanctuaire de l'hygiénisme en réponse aux difficiles conditions de vie des populations ouvrières. Dès son ouverture et pendant plus de 50 ans, le lieu aura été un lieu de vie et de rencontres pour les habitants.
En 1985, l'établissement ferme ses portes en raison de la fragilité de sa voûte, mais les Roubaisiens y restent très attachés. Cet attachement a certainement sauvé l'édifice Art déco d'une démolition annoncée et participe maintenant au succès de La Piscine, réhabilitée par Jean-Paul Philippon, l'un des architectes à l'origine de la reconversion de la gare d'Orsay en musée.
En 2001, le musée s'y installe. Dans la salle principale, l'architecte a conservé une partie du bassin olympique, aujourd’hui entourée de sculptures et superbement mise en valeur par la lumière naturelle qui émane des verrières colorées représentant le lever du soleil.
Au premier étage, les cabines de douche et les vestiaires sont devenus les vitrines d'exposition des vêtements, dessins et tissus qui témoignent de l'histoire de la ville et de son industrie textile.
Sophie Hong Couleurs en mouvements, de la nature à l'artDominique Cardon Directrice de Recherche émérite CNRS,CIHAM/UMR 5648, Lyon
Sophie Hong, en vraie ou en marionnettes, ses textiles, plissés, tordus, incisés, ses vêtements taillés, assemblés, nervurés : comment y penser autrement qu'en mouvement ? Sophie, voile poussée par les vents de l'inspiration et de la détermination. Elle entraîne dans son sillage ce matériau fluide qu'elle n'a jamais fini de redécouvrir et de recréer : la soie laquée, 黑絞绸 hei-jiāo-chou, ou 香雲紗 xiang-yun-shā, littéralement « vêtement de nuage parfumé (ou « bruissant ») », patrimoine intangible du Guangdong chinois.
Matériau qui a fait naître notre amitié, car la plante qui lui donne ses couleurs et, en partie, sa substance est l'un de mes enfants végétaux adoptés : le faux gambier ou 薯莨 shu liang, Dioscorea cirrhosa, une des centaines d'espèces d'ignames, les plantes de Dioscoride. Liane élancée des jungles du sud-est asiatique, aux tiges crochues, aux feuilles ovales-pointues, fines, lisses comme les soies de Sophie et nervurées comme les finitions de ses vêtements. Elle jaillit de gros tubercules massifs, couleur de terre. Arrachés, coupés en deux : la tranche apparaît rouge orangé, juteuse. Râpés ou écrasés, les tubercules saignent un sirop fauve dont vont être imprégnées des pièces de soie ensuite tendues sur prés. Le soleil cuit le jus dans la soie. Celle-ci va encore être aspergée de jus étalé ensuite à la brosse, puis séchée, caramélisée au soleil brûlant de l'été de la Chine méridionale, de nombreuses fois, jusqu'à prendre elle-même la couleur de la chair du tubercule : rouge-fauve, en grec kirros. Avec sa couleur, elle s'imprègne aussi de ses propriétés et de son énergie : ce jus sanguinolent est hyperconcentré en tanins colorés, des molécules géantes, hérissées de sites réactifs propres à s'unir indissolublement à ceux des fibres textiles pour former une surface homogène, résistante à l'eau comme au feu, aux rayons UV comme aux bactéries.
Cette teinture protectrice, teinture-armure, aux multiples formes que lui invente Sophie Hong, a servi autrefois à imprégner aussi des fibres moins précieuses que la soie, tels le coton et le chanvre. Elle donnait ses nuances de roux à brun aux habits de tous les jours d'une partie du peuple vietnamien, qui appelle la plante củ nâu. Avant la Deuxième Guerre mondiale, « en dehors des populations montagnardes, vêtues de cotonnades bleues, toute la population tonkinoise use du củ nâu pour teindre ses vêtements ». On l'utilise aussi, à l'époque, pour imprégner les voiles et les filets des embarcations de pêche, qu'elle renforce et rend plus durables. La liane est alors récoltée dans ses stations naturelles, mais aussi cultivée en agroforesterie par les paysans Man, Tho, Mhong et les Dao rouges qui la font grimper aux arbres bordant leurs jardins et leurs champs de riz. Une partie de leurs tubercules part vers la Chine, en plein essor de l'engouement pour la soie laquée. Ce trafic inspire à Charles Crevost cette description pittoresque dans son monumental Catalogue des produits de l'Indochine : « Des Chinois sont établis sur les rives des hauts cours d'eau tonkinois, en face de petites plages où les radeaux et les petites embarcations chargés de tubercules peuvent stationner. Là, un acheteur chinois est posté, avec sa grosse romaine en évidence, portant un gros caillou de contrepoids. Les vendeurs s'y arrêtent et débattent les prix ; la marchandise est ensuite évacuée sur Haïphong par voie fluviale. Entre 1913 et 1922, les exportations portent en moyenne sur 5937 tonnes de tubercules par an, avec un maximum de 8011 tonnes en 1914, par suite des ruptures d'approvisionnement en teintures chimiques ».
Aujourd'hui encore, l'emploi le plus important et le plus remarquable des tubercules du faux gambier, outre leurs traditionnels usages médicinaux, est pour la production de la soie laquée, inventée dans la région de Canton à cause de sa boue, et dont l'art ne se perpétue plus que dans de rares ateliers du district de Shunde. Pourquoi la boue ? Parce qu'après que les pièces de soie aient été parfaitement imbibées du suc du faux gambier, il faut encore, pour « laquer » la soie et donner à l'une de ses faces un glaçage noir, y appliquer la boue de certains bras de rivières du delta des Perles, d'une certaine façon, dans la bonne période de l'année et au bon moment, à l'aube entre nuit et jour. La base chimique du procédé est théoriquement connue. La boue doit être riche en fer, pour que ses ions ferreux réagissent avec les tanins imprégnés dans la soie pour former une laque noire uniquement sur la face supérieure du tissu qui reçoit la boue liquide. Mais tout le secret du procédé est dans le non-dit, le non exprimable, un savoir-faire mental et physique ancré dans l'expérience et la répétition, savoir complexe, unique, dont la transmission n'est plus aujourd'hui si assurée qu'on le souhaiterait. Il est, entre autres, dans la gestuelle proche de la danse par laquelle les teinturiers répandent la boue sur le tissu en couche lisse et unie. Dans le mouvement, puis dans l'immobilité se crée la couleur : les pièces enduites de boue, tendues bien à plat sur l'herbe, sèchent lentement, avec la rosée, avant le lever du soleil. Magie ? Apprêt final ultra-secret, jamais divulgué ? Comment le tissu fini peut-il ainsi luire de cette lumière noire si particulière ? Il reste dans ces procédés et dans ce matériau, « vêtement de nuage », une part de mystère.
Cela ne pouvait manquer de plaire à Sophie. En mouvement ! Aventurière de la couleur, elle est partie à Shunde tenter de faire la lumière. Rester au côté des teinturiers, déchiffrer le rôle des ingrédients, le sens des gestes. Artiste, elle a reconnu l'effort pour maîtriser la matière, dans la lutte constante des maîtres-teinturiers pour unir la plante, la soie et la boue, le végétal, l'animal et le minéral, en un tissu à deux visages.
Matière exceptionnelle qu'elle n'a cessé de sculpter en œuvres mouvantes, ondulantes, bruissantes, jouant des couleurs, des transparences, des crevés et lacérations, des bordures et des ganses, enrichissant ainsi de son savoir de créatrice textile un tissu né d'une innovation greffée sur une très ancienne tradition.
Sophie Hong et Le vêtement qui parleLouis Ucciani Maître de conférence université Bourgogne Franche Comté
Par son travail dans le domaine de la mode, c'est à dire dans le monde de la représentation, de l'esthétique pour le philosophe, Sophie Hong est un marqueur du passage du temps : un cycle de création, puis diffusion et saturation, puis anéantissement et renaissance. Il serait bien que la frénésie du nouveau soit évitée, que le modèle aristotélicien privilégiant la forme à la matière soit aussi évité.
Pour nous, en Occident qui s'impose en maître, l'Orient se pose en système de pensée comme 'l'autre', mais Sophie Hong en donnant priorité à la matière qui donne sens à la forme, défie le temps et montre la pérennité des visages et de costumes : l'écoulement du temps n'est pas évacué comme prévu, les modèles de costumes de Sophie Hong sont de nature intemporelle, et utilisent des tissus d'une qualité, tenue et histoire irréprochables (elle fait notamment usage de produits et teintures à base de pigments'kuru' remontant à la dynastie Song : elle les a elle-même affinés sur plusieurs décennies. Elle crée des vestes réversibles noires ou brunes / rouges tout à fait uniques).
Dans un ouvrage sur l'art vestimentaire, Paola Zamperini note la pratique de Sophie Hong d'inscrire la mode taïwanaise dans une longue tradition historique, refusant l'éphémère du monde moderne : le vêtement en Extrême-Orient est en effet central, symbole de l'homme différencié de l'animal, Confucius y voit l'expression codée de l'appartenance sociale, de nos différences. Extraordinaire constatation : l'écriture elle-même, idéographique, représentant le mot 'origine' (origine de tout !), est formée des caractères 'tissu' et 'ciseaux' ! Un rapport à la tradition s'établit, la temporalité du monde occidental apparaît bien insuffisante, nous abordons véritablement le domaine anthropologique. A la recherche du sens, le travail du tissu, la création, sont vraiment dignes d'intérêt, et tendent à l'universel. De nos jours, dans le contexte de modernisation, on note que le vêtement a perdu sa signification complexe originelle, le Li (représentant le droit) peut s'appliquer à d'autres contextes que celui du vêtement. L'héritage de Confucius reste cependant durable, car la règle peut se matérialiser avec d'autres objets.
Sophie Hong par la qualité de son travail hisse le vêtement à un niveau peu commun : il vient occuper une place de choix comme signifié. La mise en valeur du corps et des formes n'est pas sa préoccupation, pas d'éphémère, même si l'Occident met corps et sensualité fréquemment en évidence. Sophie Hong ancre son travail dans un artisanat localisé, riche de traditions, dessins et tissus précieux, et lieu, temps, espace, tout exemplaire formel et représentation ne sont plus à considérer face à ce qui se présente immuable.
Le vêtement est du domaine de l'art : il met en valeur l'individu aussi bien que la pierre qui le 'sculpterait'. Le tissu porté, la matière ainsi travaillée, tout est devenu 'unique', loin de tout procédé industriel. 'Représentation' qui était synonyme d'éphémère est devenu ici exemple unique de ce qu'est l'homme, ses origines : il est différent de l'animal, il peut tendre vers l'universel, il est issu de matière, habillé de matière. C'est un véritable langage, un langage qui sait s'adapter, que nous tiennent les créations de Sophie Hong : depuis nos origines, tout un chemin parcouru, notre histoire, les vêtements de Sophie Hong 'parlent'.
Sa démarche est en fait simple, elle l'a elle-même expliquée : « J'aime utiliser dessins et matériaux qui me viennent du passé, les formes traditionnelles qui peuvent être adaptées pour coller aux goûts et besoins d'aujourd'hui. »
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